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Roux Hylarion François

soldat de premiére classe au 42ème régiment d'infanterie coloniale

né le 12 aout 1883 classe 1903                         

disparu au combat le 21 septembre 1914 à l'age de 32 ans

à Vigneulles (Meuse).

 

 

 

 

Le 42e R.I.C. est né avec la Grande Guerre. Sa création, prévue au plan de mobilisation de 1914, avait à peine été ébauchée, quand les évènements se précipitèrent : le 22e Régiment d'Infanterie Coloniale lui fournit des cadres ; les 15e et 16e régions lui donnèrent des hommes ; l'esprit inventif, l'initiative, la grande expérience de ses chefs en matière d'organisation et d'improvisation lui acquirent, en quelques jours, vivre et matériel. Les diverses opérations pour la formation du régiment se poursuivirent à MARSEILLE, à l'Ecole du Commerce et de l'Industrie, transformée en caserne. Au huitième jour de la mobilisation, après un travail acharné de jour et de nuit, l'ébauche était devenue une oeuvre complète : le 42e R.I.C. était constitué à 2 bataillons et 1 compagnie hors rang, à l'effectif total de 30 officiers et 2.254 hommes.  

II°. - LES OPERATIONS DE 19l4

1° Bataille de Lorraine

Le 42e Régiment d'Infanterie Coloniale entrait dans la composition de la 149e brigade (Général GRAND D'ESNON) et de la 75e division de réserve (Général VIMARD). Les brigades de réserve comprenaient 3 régiments à 2 bataillons : les 240e et 258e régiments d'infanterie de réserve complétaient la 149e brigade. Le 9 août, le 42e était mis en route, par étapes, sur AVIGNON, point de concentration de la division. Il cantonnait à MORIERES, près AVIGNON, du 13 au 20 août, période pendant laquelle il perfectionnait son organisation et son instruction. Embarquement en gare d'AVIGNON le 21 août, débarquement à DUGNY-SUR-MEUSE dans la nuit du 22 au 23 ; dès l'aube du 23, le régiment, suivi des T.C. et T.R., allait stationner à GENICOURT. Dès le 24, il marchait à l'ennemi signalé sur l'Ornain vers BUZY. A la sortie nord-est d'HENNEMONT, il prenait la formation préparatoire de combat. A 16 H.30, l'artillerie ouvrait le feu. A 17 H.30, le 2e Bataillon (Commandant GERNIER) entrait dans la zone de feu en direction sud-est de BUZY ; le 1er Bataillon (Commandant COURJON), suivant la progression en appuyant à droite, entrait en ligne vers 18 H.30 et atteignait la lisière nord de SAINT-JEAN-LES-BUZY. A 19 H.30, le 2e Bataillon s'installait aux avant-postes pour la nuit en avant du village de SAINT-JEAN-LES-BUZY. Le reste du régiment, avec l'Etat-Major de la brigade, cantonnait à PARFONDRUPT. Cette prise de contact nous coûtait un seul blessé. Le véritable baptême du feu devait être reçu le lendemain. 25 août.- La nuit a été calme ; l'ennemi, incertain des forces qu'il avait devant lui, s'est fortifié sur ses positions. Dès 4 H.30, ordre est donné de reprendre le contact. Mission du régiment : dégager les abords nord-est de SAINT-JEAN-LES-BUZY avec deuxième objectif AUCOURT. A gauche, le 258e doit déboucher de BUZY avec le même objectif ; plus à gauche et en arrière, le 240e est en réserve de division. A notre droite, le 56e D.I. doit déboucher d'OLLEY et agir sur la gauche ennemie qui occupe les bois communaux. Le 1er bataillon s'engage dès 4 H.30 ; en outre, le 19e Compagnie (Capitaine MAUREL) est désigné par le général de brigade pour occuper une crête à l'est de la gare et prévenir des infiltrations à notre gauche. La progression des unités du 1er bataillon, malgré des renforts successifs, est vite arrêtée par un ennemi très supérieur en nombre ; aucune artillerie d'ailleurs ne la soutient. Accrochées au terrain, les unités subissent des pertes importantes ; les trois compagnies du 2e Bataillon, seule réserve du régiment, alimentent la ligne de combat et fixent l'ennemi sur ses positions. Le 258e n'a pu déboucher de BUZY ; il s'est replié après avec subi de grosses pertes, découvrant le flanc gauche et exposant le régiment au tir d'écharpe. La situation devient critique ; le feu de l'ennemi redouble de violence, notre ligne continue à s'user sans pouvoir avancer ; aucune fraction d'unité n'est disponible ; aucune réserve de brigade ou de division n’est à portée. Le Général de brigade, qui s'est établi aussi près que possible de la ligne de combat, à la station de la voie ferrée, est parfaitement au courant de la situation. Il commence à envisager la possibilité d'un repli sur la lisière du village, quand la 56e D.I., entrant en ligne vers 9 H.30, dégage notre droite. Son artillerie fait des tirs d'écharpe dont nous pouvons observer l'efficacité. L'ennemi éprouve des pertes considérables, sa pression s'atténue, puis il entame un repli par échelons. Nous en profitons pour le poursuivre par des salves, bien réglées, jusqu'au moment où la jonction de la 56e D.I. avec notre droite permet la reprise du mouvement offensif. Le 1er Bataillon, très éprouvé, reste sur le terrain pour recueillir les morts, les blessés et se reposer ; le 2e Bataillon se porte sur AUCOURT avec la 56e D.I. L'attaque concentrique, parfaitement préparée par l'artillerie de cette D.I., permet d'atteindre facilement l'objectif vers 16 H.30. L'ennemi se retire précipitamment ; le terrain de la lutte est couvert de tués, de blessés, d'armes et de munitions ; nous sons des prisonniers. Le 42e a reçu stoïquement le baptême du feu ; il a pu, dans l'après-midi, se rendre compte des résultats de sa ténacité en parcourant librement 4 ou 5 kilomètres de terrain cédé par l'ennemi. Ses pertes sont graves, d'autant plus impressionnantes quelles sont les premières, mais son moral n'est pas influencé après constatation de celles de l'ennemi. Il emmène une vingtaine de prisonniers ; une pareille capture au premier choc est de bon augure, la foi en l'avenir s'en trouve consolidée. Les pertes totales, qui sont de 299 hommes, ont particulièrement affecté le cadre du 1er bataillon ; trois commandants de compagnie sur quatre sont hors de combat. Le chef de bataillon GARNIER, également blessé, était remplacé au 2e Bataillon par le Capitaine de ROSTANG. Cette première épreuve semblait devoir produire une certaine émotion sur une troupe non aguerrie ; rien de semblable ne se manifeste dans l'ensemble : l'opération, qui ne comportait aucune manoeuvre complexe, s'est faite avec calme, malgré un feu violent et continu ; la ténacité est sa principale caractéristique. Les blessés, les tués ont été relevés méthodiquement ; les évacuations ont été faites avec ordre au moyen de véhicules réquisitionnés dans le village. Les armes, les munitions, celles de l'ennemi comme les nôtres, ont été recueillies. Le sergent-brancardier DOUDIES, de la réserve, recevait quelques jours plus tard la Médaille militaire pour le bel exemple d'initiative. de courage froid et soutenu qu'il avait donné en assurant, après le départ du régiment, l'évacuation du dernier convoi de blessés, malgré la présence très proche de l'ennemi et en menant à bien, dans tous ses détails, cette évacuation. L'adjudant ROUSSEL, le sergent-major BURGY, quoique blessés le premier à la nuque, le deuxième au bras, refusaient toute évacuation et continuaient leur service après pansement, ces beaux exemples devaient avoir des imitateurs.

26 août au 5 septembre.- Nous étions vainqueurs en LORRAINE sur toute la ligne Etain-Conflans et cependant, dans la nuit du 25 au 26, les troupes commençaient. sur ordre supérieur, un mouvement de repli semblant affecter l'ensemble du front. Des événements, survenus ailleurs et connus beaucoup plus tard, éclairèrent chacun sur les raisons de cette manoeuvre rétrograde. Le régiment recevait l'ordre de se porter sur les Hauts de la Meuse ; il cantonnait successivement à MESNIL-SOUS-LES-COTES, DEUXNOUDS-AUX-BOIS et HEUDICOURT. Le 29 août, il recevait la mission d'organiser défensivement le secteur bois de NONCHAMP inclus, bois d'HEUDICOURT, Heudicourt inclus. Mais le 30 août, à 15 heures, un ordre préparatoire, bientôt suivi de l'ordre d'exécution, prescrivait au 42e Colonial de se porter dans la région nord des Côtes de Meuse. Conformément à l'ordre d'opérations n° 17, le groupe des divisions de réserve doit appuyer l'offensive de la IIIe armée vers le nord-ouest. La régiment fait partie de la colonne de gauche de la 75e D.I. ; il arrive le 31 août à 14 H.30 à FLEURYSOUS-DOUAUMONT. L'état de fatigue est extrême : ces hommes, à peine en voie d'entraînement, viennent de parcourir avec armes et bagages une distance considérable ; ils marchent depuis vingt quatre heures sans pouvoir préparer leur nourriture ; la chaleur très lourde aggrave la fatigue et corrompt la viande fraîche perçue au moment du départ ; le cantonnement d'arrivée ne présente. aucune ressource et plusieurs corps sont obligés de s'y loger : un repos de quelques heures calme l'acuité de ces souffrances physiques et le bon sens français réagit ; le moral reste intact

Le 1er septembre la 75e D.I., en réserve générale, doit se préparer à soutenir les 65e et 67e D.I. qui attaquent la hauteur d' HARAUMONT. A 4 H.30 le régiment se met en mouvement, se dirigeant vers HAUMONT par DOUAMONT, LOUVEMONT ; il atteint ses emplacements vers 11 heures, après une marche par échelons contrariée souvent par le tir de l'artillerie ennemie qui lance de gros projectiles à explosif. Toutes les collines avoisinantes et le village de HAUWONT sont bombardés par l'artillerie lourde ennemie. A 16 H.30, la brigade est mise à la disposition de la 72e D.I., mais les emplacements du régiment ne subissent que des modifications légères. Des dispositions sont prises pour passer la nuit sur place, les vivres arrivent dès-que l'obscurité a permis la marche des convois. Cependant, à 23 heures, l'ordre de repli sur FLEURY-SOUS-DOUAUMONT parvient au régiment qui se met en route par une nuit très noire et arrive au cantonnement à l'aube. Cette opération très fatigante n'a pourtant causé aucune perte. Elle a eu pour résultat d'attirer à nous des forces ennemies qui gênaient les mouvements des armées plus à l'ouest. Dans la journée du 2 septembre, le régiment est dirigé sur HAUDIOMONT où il cantonne ; le 4 il est à RUPT-EN-WOEVRE, et le 5 à FRESNES-AU-MONT.

2e.- BATAILLE DE LA MARNE (6 au 13 septembre)

6 septembre. - L'ordre d'opérations n° 26 fixait le rôle de la 75e D.I. qui devait déboucher à 8 heures en formation préparatoire de combat sur la transversale : corne sud-est du bois de NEUVILLE, NEUVILLE-EN-VERDUNOIS. Le 42e R.I.C. quittait ses cantonnements des PAROCHES et de FRESNES-AU-MONT à 3 H.15 et formait avec la 149e brigade la colonne de gauche de la D.I. Rassemblé sur la ligne ci-dessus indiquée en formation articulée en arrière du 240e, le 42e R.I.C. se portait avec la brigade au sud-ouest de MONDRECOURT, vers 8 H.30 ; plus tard il prenait la formation de combat face à l'ouest, en arrivant au sud de SOUI1LY. A 13 heures, il progressait vers la lisière du bois de GROSSEHAUT au moment même où des éléments de la 67e D.I. abordaient une partie de cette lisière. Il était accueilli par un feu violent de l'artillerie ennemie que n'arrivait pas à maîtriser la nôtre, en batterie aux extrémités nord et sud du village ; aussi par un feu très gênant des tirailleurs ennemis embusqués en arrière des lisières. Enfin, à 8 H.30, la lisière était forcée dans le voisinage de la route SOUILLY-SAINT-ANDRE ; des fractions du 2e bataillon progressaient rapidement ; le gros, suivi de l'artillerie et précédé des E.M de la D. I.. et de la brigade, débouchait sur le plateau face à SAINT-ANDRE. Le 2e bataillon poussait jusqu'à la crête des fractions déployées en tirailleurs et constituait des avant-postes de combat pour la nuit ; les E.M. de la D.I. et de la brigade bivouaquaient sur place avec le gros du régiment. 7 septembre. - Dès 4 H.30, sur l'ordre du général command la 75e D.I., l'artillerie venait prendre position sur la crête face à SAINT-ANDRE et ouvrait le feu sur des rassemblements ennemis aperçus à environ 1.500 à 2.000 mètres, puis sur des lignes de tranchées. Deux compagnies, les 17e et 19e, allaient occuper en avant de l'artillerie des tranchées construites hâtivement par le génie au cours de la nuit ; le 1er bataillon (Commandant COURJON) se plaçait en soutien à la lisière. Mais l'artillerie ennemie postée à l'ouest et au nord-ouest de SAINT-ANDRE ne tardait pas à répondre à notre attaque par un bombardement à obus explosif dirigé sur les échelons, sur les batteries et sur l'infanterie. Ce feu parfaitement réglé, dès le premier obus, causait des ravages extrêmement graves ; en quelques minutes, le terrain était couvert de morts et de blessés, des caissons faisaient explosion : le général de division, le général de brigade et les E.M. qui se trouvaient sur place prescrivaient le repli à la lisière ; l’artillerie, superbe d'attitude, réussissait à ramener ses canons avec des attelages réduits ; trois caissons seulement demeuraient sur le terrain. La seule issue était le chemin de SOUILLY, étroit et bordé de taillis ; un engorgement se produisait, occasionnant une panique qui entraînait des hommes de tous les corps vers SOUILLY. Mais bientôt les officiers et sous-officiers valides ralliaient les groupes épars ; des lignes de recueil étaient constituées et vers 9 heures le lieutenant-colonel, à la tête des premières fractions disponibles, réoccupait les positions. Le général de D.I. prescrivait de tenir fortement la lisière, de s'y organiser, sans la dépasser. Cette organisation fut l’oeuvre du reste de la journée : elle comportait l'établissement de tranchées pour tireur, des abatis, des tranchées-abris pour les soutiens à l'arrière. Le régiment tenait les deux côtés de l'angle rentrant formé par les lisières au nord et au sud de la route de SAINT-ANDRE à SOUILLY. Aucune attaque d'infanterie ne se produisait, mais le bombardement était intermittent et alternait avec des rafales de mitrailleuses ; toute tentative de reconnaissance ou de sortie de la lisière, pour recueillir les blessés, déclenchait le tir de l'ennemi. Le régiment avait subi des pertes importantes, notamment aux 17e et 18e Compagnies isolées en avant du plateau, dans des tranchées improvisées ; la majeure partie des cadres de ces unités était hors de combat. Le mélange était complet ; les gradés restant peu nombreux, une reconstitution par compagnie devenait impossible dans la situation du régiment, il fallut laisser les divers éléments à la place même qu'ils occupaient, afin de ne pas attirer l'attention de l'ennemi par des déplacements latéraux ; le commandement fut réparti sur la ligne divisée en secteurs. Une fraction de deux compagnies environ, du 1er bataillon avec le Commandant COURJON, repliée sur SOUILLY le matin, était mise à la disposition du général de brigade pour une mission particulière au nord des positions occupées. Dans ces deux journée de combat, le 42e R.I.C. avait démontré sa valeur en forçant un lisière tenue par l'ennemi ; il allait donner une preuve de son excellent moral en tenant dans les circonstances les plus difficiles, presque abandonné à lui-même, la portion importante du front qui lui était confiée, malgré les bombardements et les pertes cruelles subies. Etaient tués ou blessés mortellement : les Capitaines de ROSTANG, BURGEAT, MAUREL, les Lieutenants POPIS, BOUC, FOURNIER près de 300 sous-officiers ou soldats étaient hors de combat.

8 septembre. - Les fractions du régiment en ligne aux lisières ouest et nord du bois de MOINVILLE continuaient leur mission d'observation ; tout essai de reconnaissance ou de progression en .avant était paralysé par l'artillerie et les mitrailleuses de l'ennemi, formidablement retranché sur les pentes ouest et nord de SAINT-ANDRE à IPPECOURT. Dans les rares accalmies, tous les efforts tendaient à recueillir les blessés en avant du front, à ramener les morts, à entraîner les cadavres des chevaux et mulets de l'artillerie vers l'arrière, en vue de l'enfouissement. La chaleur suffocante, en accélérant leur décomposition, rendait le séjour en ligne très pénible. A 16 heures, l'ordre était donné aux troupes du secteur de concourir à une attaque générale qui devait être prononcée vers 16 H.30 au nord et au sud par les 72e et 67e D.I. ; mais la préparation de notre artillerie était insuffisante ; l'artillerie ennemie se révélait intacte et empêchait, par un feu violent, toute action offensive. Le général de D.I., venu en ligne pour se rendre compte de cette situation, annulait l'ordre d'attaque et prescrivait de se maintenir en position en continuant à augmenter les moyens de défense à la lisière du bois. De 17 à 18 heures, bombardement de nos positions sans interruption.

9 septembre.- Le 42e R.I.C. recevait, à 13 H.45, l'ordre d'opérations ci-après : " La 75e D.I. est chargée de se maintenir, peut-être pendant plusieurs jours, sur le terrain déjà conquis, et de s'y cramponner de façon à repousser toutes les attaques des adversaires. En conséquence, et jusqu'à nouvel ordre, aucune attaque ne sera exécutée par nos troupes. Par contre, elles multiplieront les tranchées aussi profondes que possible, les abatis et autres travaux de fortification reconnus utiles. A cet effet, utiliser les mitrailleuses et des éléments de tranchées." En exécution de cet ordre, le régiment continuait l'amélioration de son organisation défensive et enfouissait les cadavres d'hommes et d'animaux répandus sur son front à la suite du combat du 7. A 18 H.l5, le Lieutenant-Colonel se rendait au Q.G. de la D.I. à SOUILLY, sur l'ordre du général, laissant le commandement du secteur au Capitaine MONTOYA. A 18 H.45, un bombardement extrêmement violent de toute l'artillerie ennemie était dirigé sur tout le front du régiment dès les premiers obus, le Capitaine MONTOYA, placé au centre d secteur, faisait occuper les tranchées-abris intérieures, ne laissant sur la tranchée de tir que quelques observateurs ; grâce à cette précaution, la canonnade formidable n'occasionnait que des pertes insignifiantes. L'action de l'artillerie laissant présager une attaque de l'infanterie, le Capitaine MONTOYA ordonnait de n'ouvrir le feu qu'à faible distance, par fraction de ligne, en commençant par la droite, qui, en raison de l'obliquité du front, serait la première en contact avec l'ennemi. L'artillerie avait diminué progressivement son tir sur la lisière pour battre le terrain en arrière et même la lisière intérieure, dans l'espoir d'atteindre les renforts et les réserves ; puis elle céda sa place à la fusillade et au crépitement des mitrailleuses accompagnant l'attaque d'infanterie. La nuit était venue complète ; mais l'ombre de la ligne ennemie était suffisamment apparente sur le plateau dénudé ; notre feu partant de la droite se propagea rapidement sur tout le front, l'élan de l'ennemi parut bientôt brisé ; aucune de ses fractions ne vint au contact. L'attaque avait échoué sur le 42e R.I.C. ; l'ennemi avait complètement disparu à droite et au centre, mais sur la gauche il continuait à diriger tous ses efforts vers le couloir SAINT-ANDRE - HEIPPES tenu par la 150e Brigade.

10 septembre. - La nuit du 9 au 10 septembre s’achevait sans nouvelle attaque de l'ennemi ; mais sa progression vers la gauche du régiment (lisières sud-ouest du bois de MOINVILLE) semblait se continuer méthodiquement. Deux compagnies du X... régiment, chargées de couvrir la gauche du 42e R.I.C. et de faire la liaison avec la 150e brigade, se repliaient avant l’autre, suivant le mouvement de cette grande unité. Pour préserver son flanc découvert, le 42e R.I.C. faisait un crochet défensif à gauche, puis envoyait des patrouilles avec mission de fouiller le bois et de prévenir une infiltration trop rapide de l'ennemi. Une reconnaissance de la force d'une demi-section complétait cette protection en allant explorer jusqu'aux lisières sud du bois ; elle échangeait quelques coups de feu avec des fractions ennemies. Le Lieutenant-Colonel rendait compte par écrit, dès l'aube, de la situation du régiment ; aucune instruction, aucune communication ne lui parvenant, il envoyait à l'E.M. le lieutenant de CHOISEUL vers 8 heures, avec mission de l'exposer à nouveau. Il demandait soit à être renforcé sur ses flancs, soit à être autorisé à évacuer la position dès qu'il le jugerait nécessaire. A 9.heures, le 42e R.I.C. recevait l'ordre de se replier à l'est de SOUILLY, en faisant un crochet vers le nord. Il était à ce moment tout à fait isolé. Le repli s'exécutait par échelons et en ordre parfait, sous le tir de l'artillerie ennemie qui fouillait les lisières intérieures. Vers le milieu de la journée, le régiment rejoignait les autres éléments de la brigade avec lesquels il marchait l'après-midi et toute la nuit pour arriver le lendemain matin à NICEY, dans un état de fatigue extrême.

Les 11, 12 et 13 il prenait diverses positions d'attente.

Les opérations d'ensemble connues plus tard sous le nom de "bataille de la MARNE" étaient terminées ; le récit qui vient d'en être fait jour par jour ne peut cependant donner avec le développement nécessaire le détail des faits individuels méritant d'être retenus, ils sont trop nombreux ; nous noterons plus loin les noms des grands morts qui se sont généreusement sacrifiés pour .barrer les routes de France aux hordes germaniques. Les capitaines de ROSTANG, BURGEAT, MAUREL et leurs cadres sont tombés, le 7 septembre, en s'efforçant d'assurer la sécurité de leurs hommes et de l'artillerie, conservant au prix de leur vie la position confiée à leur honneur. Le lieutenant de réserve FOURNIER, compté parmi les morts, est resté cinq jours entre les deux lignes, sans soins, la jambe fracturée, recevant de nouvelles blessures ; a dû être amputé plus tard. Combien d'autres en versant leur sang généreux sur cette terre lorraine ont contribué à arrêter l'invasion. Dans la nuit du 9 septembre, alors que la situation était critique, que les munitions allaient manquer, le sergent GERMAN de la 15e Compagnie, les soldats FERRIE et CASTANG de la 18e Compagnie, faisant preuve d'un beau dévouement, se sont offerts pour recueillir les munitions en excédent dans certaines fractions et en faire la répartition à d'autres éléments plus exposé : l'opération était dangereuse, parce qu'elle s'exécutait sous le feu et en dehors des abris, par une nuit très noire, sur un terrain bouleversé et battu. L'adjudant-chef BERUT, répondant au lieu et place des agents de liaison disparus, s'offrait au capitaine commandant le secteur pour aller, sous un violent bombardement, rendre compte au Q.G. de la situation et amener le ravitaillement en munitions devenu urgent. L'adjudant-chef PASQUINI, de la 16e Compagnie, blessé à la face par un éclat d'obus, dès le début de l'action, conservait néanmoins le commandement de sa fraction. Le capitaine PIERRE, commandant la 20e Compagnie renforcée de fractions de différentes unités, sans encadrement ou avec un cadre très réduit, secondait parfaitement le commandant du secteur en assurant la défense d'un front de 800 mètres environ, dont il interdisait l'accès à. l'ennemi, même après la retraite des corps qui appuyaient sa droite. Il réconfortait sa troupe par une bravoure exemplaire. Le sous-lieutenant de réserve FOURNERIE, vétéran des campagnes du Tonkin, déjà médaillé et blessé depuis vingt ans, faisait preuve, malgré son âge, d'une activité inlassable : commandant un groupement important de la. 16e Compagnie, il était, en outre, un adjoint précieux pour le capitaine MONTOYA commandant le secteur, se portant sur tous les points dangereux pour transmettre ses ordres avec un calme incomparable.L'exemple est contagieux : de ces crises répétées la confiance naissait, se propageait et rayonnait. Les régiments voisins commençaient à rendre à la valeur du 42e R.I.C. : des isolés de différents corps le ralliaient, y trouvant un refuge sûr, un réconfort en attendant de rejoindre leur place, plusieurs avaient combattu dans ses rangs dans la nuit du 9 au 10 septembre.

COURTE DETENTE

(14 au 18 septembre)

Après une période de grandes fatigues, auxquelles s'ajoutaient les émotions des combats et qu'aggravaient les difficultés du ravitaillement, quelques jours de détente étaient les bienvenus, malgré la pluie et la boue succédant subitement au temps chaud et sec. Le régiment cantonnait le 14 à TILLY-SUR-MEUSE et du 15 au 18 à SOMMEDIEUE avec l'E.M. de la 149e brigade et le 258e d'infanterie. Ce village conservait la majeure partie de ses habitants ; malgré la modicité des ressources les hommes y trouvèrent un accueil et un confort appréciables. Mais le repos n'excluait pas certaines opérations urgentes ; le régiment se réorganisait, les cadres étaient reconstitués dans la mesure où les ressources du corps le permettaient ; des demandes de renfort étaient adressées. Les effets, les armes, les munitions, les vivres étaient examinés, remis en état, en vue de nouveaux efforts. Le général de brigade passait une inspection d'ensemble du régiment ; des récompenses étaient distribuées et des propositions étaient établies.

3°- LA DEFENSE DES HAUTS DE MEUSE (19 au 30 septembre)

Le 19 septembre, le 3e groupe des divisions de réserve qui comprenait la 75e D.I. était rattaché à la IIIe Armée. Ce même jour, le 42e R.I.C. quittait son cantonnement de SOMMEDIEUE à 5 heures, conformément à l'ordre d'opérations n° 51 pour se porter sur CREUE qu'il devait occuper avec un bataillon, l'autre bataillon devant tenir les avant-postes dans le bois de NA UCHAMP. Le régiment était tête du gros de la colonne formée par la 149e brigade. Arrivée à CREUE vers 14 heures, après une marche rendue pénible par la pluie incessante ; le 2e Bataillon et l'E.M. s'installaient ; le 1er bataillon était poussé aux avant-postes, mais une modification était aussitôt apportée à ce dispositif sur l'ordre de la D.I. Le 2e Bataillon et l'E.M. du régiment devaient se porter à VIGNEULLES où ils arrivaient vers 16 H.30 ; cette localité et ses abords étaient tenus par des éléments du 8e Corps qui l'évacuaient dans la nuit. Le 1er bataillon ne conservait que deux compagnies aux avant-postes ; les deux autres compagnies étaient placées en réserve à CREUE.

20 septembre.- Le régiment concourait avec la 75e D.I. à l'organisation de la ligne de résistance des Hauts de Meuse dans les conditions fixées par l'ordre général d'opérations ; il tenait les points occupés la veille et désignés ci-dessus. L'E.M. de la 149e brigade était à VIGNEULLES ; le 258e occupait les ouvrages couvrant VIGNEULLES dans la plaine ; la gauche à HATTONVILLE ; le 240e, en réserve générale de la 75e D.I., occupait HATTONCHATEL avec l'E.M. de la D.I. Vers 9 heures - 9 heures 30, HATTONVILLE et HATTONCHATEL étaient soumis à un bombardement violent de l’artillerie lourde allemande, tandis que les abords de VIGNEULLES commençaient à être battus par un tir intermittent très lent. Quelques heures après, HATTONVILLE et HATTONCHATEL brûlaient ; des maisons s'effondraient ; les troupes étaient obligées de se replier. Dans l'après-midi, quelques quartiers de VIGNEULLES étaient bombardés : la gendarmerie brûlait, la mairie menaçait ruine, des hommes de garde étaient tués et blessés. Tous les hommes qui étaient les cantonnements pour occuper les lisières et la grande artère centrale du village. Les voitures de compagnie, les voitures médicales étaient chargées et évacuées dans la direction de CREUE, seule voie praticable encore. Le bombardement cessait vers 18 heures 30, mais depuis 17 heures des coups de fusil partant du nord-est nous prenaient d'enfilade et plus tard de revers ; un mouvement enveloppant méthodique se poursuivait au nord, débordant notre gauche. Le général de brigade ne disposait plus que du bataillon du 42e R.I.C., les éléments du 258e restant encore en position ne pouvaient être déplacés ; les communications avec la D.I. étaient incertaines, aucun ordre ne parvenait et les agents de liaison montés ou cyclistes envoyés aux renseignements n'avaient pu fournir d'indications exactes. Dans l'espoir de rompre le cercle et de reconquérir HATTONVILLE où l'on supposait un bataillon cerné, le général prescrivait au Lieutenant-Colonel d'envoyer deux compagnies en arrière à la recherche du 240e avec mission de l'amener en renfort. Le Capitaine PIERRE avec les 17e et 18e Compagnies partait dans la nuit très noire pour cette mission délicate.

A VIGNEULLES, la situation empirait ; les deux compagnies restant avaient dû céder, devant l'incendie, le quartier nord-est ; l'ennemi envoyait des patrouilleurs hardis qui tenaient en alerte continuelle nos petits postes. Vers la fin de la nuit, le détachement PIERRE rétablissait la communication avec le chef de corps après avoir pris position sur la crête, à cheval sur le vieux chemin de VIGNEULLES à CREUE, il n'amenait aucun renfort.

21 septembre.- A l'aube, vers 4 H.30, le Commandant de la 19e Compagnie, posté aux barricades et tranchées surveillant la route nationale vers le sud, devait replier précipitamment ses petits postes devant des forces estimées à deux compagnies et qu'appuyaient d'autres troupes. La retraite directe sur CREUE n'était plus possible ; déjà une tentative faite du côté du 1er Bataillon pour conserver cette voie avait échoué et nous avait coûté des pertes. Le Capitaine BAILLY, commandant la 13e Compagnie, avait été gravement blessé. Le général aussitôt avisé se décidait, au moment où le jour allait poindre, à donner l'ordre de repli par le sentier à pic de VIGNEULLES à CREUE. Une compagnie, la 19e, recevait l'ordre de tenir la lisière sud du village jusqu'à ce que tous les événements du corps fussent engagés sur la route de retraite. Les fractions du 258e devaient tenir la voie centrale. La 20e compagnie du 42e R.I.C. formait avant-garde chargée de dégager la route : le Capitaine MONTOYA en prenait le commandement et la fractionnait de manière à fournir des échelons de feux. Le gros de la compagnie poussait rapidement ces fractions vers la crête pour joindre le détachement des 17e et 18e avec le Capitaine PIERRE. A ce moment, vers 5 H.30, un tir par rafales provenant des pentes nord de VIGNEULLES nous causait des pertes importantes, le général GRAND D’ESNON, commandant la brigade, était tué, et son corps était ramené à grand'peine vers l'arrière. Le Lieutenant-Colonel BOURGERON ordonnait la continuation du mouvement par échelons et le ralliement des unités du 2e bataillon sur le plateau nord-ouest de CREVE ; des groupes importants du x... régiment formant un effectif total da 300 hommes environ privés de leurs chefs, se joignaient au régiment. Une position de repli était organisée, mais l'ennemi ne tardait pas à apparaître sur les crêtes ouest de VIGNEULLES et à ouvrir, avec quelques pièces légères, un feu qui nous prenait d'écharpe. Nous étions contraints à un nouveau repli qui nous amenait vers le 1er bataillon sur les pentes de la cote 386 au nord de CHAILLON. Le Lieutenant-Colonel du 240e prenait le commandement provisoire de la 149e brigade. Par ordre supérieur, le 42e R.I.C. devait, à 13 h.30, reprendre le mouvement en avant pour reconquérir les hauteurs nord de CREUE ; mais toutes les tentatives de progression étaient arrêtées par l'intervention de l'artillerie ennemie. A 17 heures, il s'installait en avant-postes de combat sur la croupe est de LAVIGNEVILLE. Cette situation provisoire qui isolait le régiment devant l'ennemi devait être modifiée par un ordre ultérieur envoyé de la Brigade à 19 heures ; cet ordre ne parvenait pas au régiment qui passait une partie de la nuit en contact, percevant nettement tous les mouvements le débordant à droite et à gauche. Au milieu de la nuit, vers 1 heure, le Lieutenant-Colonel se décida à porter le régiment sur la rive sud du RUPT de CREUE ; ce déplacement, qui présentait de grandes difficultés d'exécution, se fit cependant sans donner l'éveil à l'ennemi ; aucun pont ne permettait le passage de la vallée marécageuse et du ruisseau assez profond les mulets chargés du matériel des mitrailleuses faillirent compromettre le succès de l'opération ; c'est grâce à l'ingéniosité et à la patience du personnel qu'elle fut menée à bien. Les patrouilles envoyées dans les diverses directions n'ayant pu prendre le contact avec la Brigade, le Régiment se reportait légèrement en arrière à l'aube ; il ne tardait pas à reconnaître des vedettes de cavalerie couvrant le cantonnement de SPADA occupé par des éléments de la Brigade. La 149e Brigade se portait en réserve à la cote 294 (nord-ouest de SPADA), puis dans l'après-midi aux cotes 322 et 331 (sud-est de SPADA). A 17 heures, le 42e R.I.C. allait occuper et organiser l'éperon de DOMPCEVRIN.

Depuis quatre jours, le régiment marchait ou combattait sans arrêt ; pendant deux nuits consécutives, il avait été à peu près isolé en contact étroit avec l'ennemi ; l'escalade de la falaise VIGNEULLES-HATTONCHATEL tentée à la minute suprême, au prix d'un effort énergique et de pertes sensibles, devant des forces considérables, avait permis au 2e bataillon et aux états-majors du Régiment et de la Brigade d'échapper à une capture certaine. La 19e compagnie, qui avait servi de tampon, avait perdu les deux tiers de son effectif. Une vieille troupe aguerrie et entraînée de longue date n'aurait pas fait mieux en présence de circonstances semblables : le 42e R.I.C. en avait imposé à l'ennemi et cet ennemi comprenait le corps d'armée de METZ, troupe d'élite de l'Allemagne. Après un mois de campagne, les rangs du régiment étaient bien éclaircis, le cadre extrêmement réduit, le capitaine PIERRE restait le seul commandant de compagnie présent depuis le départ encore exerçait-il le commandement provisoire du 2e bataillon. Un détachement de renfort commandé par le lieutenant JAFFRELO, comprenant 181 gradés et hommes, rejoignait sur les rive! de la Meuse, il était aussitôt réparti dans les unités.